Des illusions d’une requête en annulation - à propos du scrutin des élections municipales de Couzon-au-mont-d'or

par Benjamin Durand.

Estimant que la campagne électorale avait été émaillée par des actions contraires au code électoral (aide de la Mairie et de la caserne de pompiers au maire-candidat, propagande d'une association la veille du scrutin…), les candidats ou soutiens de la liste Couleurs Couzon auxquels  43.5% des électeurs ont accordé leur confiance avaient déposé le 25 mai une requête en annulation du scrutin. Il nous apparaissait nécessaire, pour démarrer le mandat sur de bonnes bases, d'avoir le regard d'une justice indépendante sur ce qui est autorisé ou non dans le cadre d'une campagne électorale.

Ce recours a été rejeté ; Patrick Véron s’en félicite et prolonge sa propagande de campagne dans un tract "Ensemble Couzon 2020" en considérant sans nuance que sa légitimité en est renforcée… 

Pour autant, le Maire ne donne pas suite à notre demande de publier le jugement, c'est pourquoi nous le publions ici in extenso afin de permettre aux citoyens d’en avoir une connaissance dépourvue de commentaire. Nous tenons également à disposition en toute transparence, outre le jugement, les mémoires de protestations et de défense à disposition de toutes celles et ceux qui seraient intéressés pour en prendre connaissance.


Le contentieux électoral pour les nuls 

Patrick Véron écrit que le Tribunal a jugé l’élection régulière et que la sincérité du scrutin du 15 mars n’a pas été altérée.

Le jugement n’annule pas l’élection, compte tenu de l’écart de voix (120, soit 13%), ce qui est classique et était attendu. Nous n’en sommes donc pas surpris et pouvons à ce titre saluer la victoire du Maire sortant et souhaiter sincèrement des vents favorables à  sa nouvelle équipe !


Le droit du contentieux électoral

Vous verrez que, comme l'artiste Rubin l'illustre,
la vérité est une question de point de vue !


Lorsque le juge est saisi d’une protestation contre une élection, celui-ci apprécie conjointement 2 éléments :

  • le respect des règles de droit, en particulier celles du code électoral,

  • l’incidence du non respect de ces règles sur la sincérité du scrutin, c'est-à-dire sur les voix exprimées par les électeur ; c'est ce que l'on appelle le principe de "l'influence déterminante".

Cela signifie que, quand bien même certaines règles n’auraient pas été entièrement respectées, l’annulation n’est pas automatique. Il faut au surplus que les irrégularités aient une influence déterminante sur le scrutin. 

En effet, l’annulation d’une élection est lourde de conséquences car elle fragilise la légalité de toutes les décisions prises par la majorité depuis sa prise de fonction.

Dans la mesure où les élections ont été gagnées avec 13 points d’écart, le tribunal aurait prononcé l’annulation dans l’hypothèse où le vote de plus 120 électeurs auraient certainement voté différemment si les irrégularités constatées n’avaient pas eu lieu.

C’est un peu comme si un coureur trichait en partant 3 secondes avant le coup de feu et finissait son marathon avec 3 minutes d’avance : le résultat n’aurait pas été différent si le coureur avait respecté la règle.

Le jugement concernant les élections à Couzon-au-mont d’or constate que toutes les règles n’ont pas été respectées - mais, considérant qu’il n’est pas possible d’apprécier l’avantage acquis par la liste de P. Véron, il juge que la sincérité du résultat n’en est pas altérée. 

Le cas de l'utilisation des moyens des pompiers est une bonne illustration du mode de raisonnement du juge de l'élection. C'est ce premier sujet soulevé par Couleurs Couzon dans son recours qui a mis le feu au poudre et décidé un certain nombre à contester l'élection.

Selon l'article L. 52-8 du code électoral : « (...) Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués. (...) ». 

Le Tribunal juge que les "invitations à visiter la caserne des pompiers (...) doivent  être regardées comme une opération de propagande électorale et que, "contrairement à ce que soutient M. Veron, la mise à disposition pendant le temps de ces visites des moyens matériels du service d’incendie et de secours constitue un avantage consenti à sa liste par une personne publique" : la règle de l'article L. 52-8 n'est pas respectée.

Cependant, le tribunal juge à la suite que "(..) le contrôleur général des pompiers a également proposé à la liste menée par Mme Courtois d’organiser des telles visites si elle le souhaitait. (..) qu’aucun élément du dossier ne permet d’apprécier la valeur vénale d’un tel avantage, qui ne correspond à aucune prestation commerciale équivalente, et compte tenu de l’écart de voix de 120 voix soit 13 pourcents séparant les deux listes, l’avantage ainsi conféré à la liste menée par M. Veron n’est pas susceptible d’avoir altéré la sincérité du scrutin. " : le juge considère que l'on ne peut pas évaluer la valeur de cet avantage indu, qui aurait pu être acquis par les autres candidats et qui n'a pas pu avoir un impact sur le scrutin au regard de l'écart important de voix. Malgré le non respect du code électoral constaté, il n'y a donc pas lieu de sanctionner le Maire candidat.

Mairie à tout prix !

Le Maire aimerait clôturer cet épisode sous une communication lisse tournée vers l’avenir. Quelques points méritent cependant d’être approfondis pour celles et ceux qui désirent une parfaite connaissance de ce dossier. 

Quelles règles n’ont, in fine, pas été respectées ?

Au-delà de l'usage de la caserne, plusieurs griefs ont été portés dans notre protestation et notamment :

- L'utilisation de la salle Chiello, dont l’utilisation à cette fin n’avait pas été autorisée par le conseil municipal.

P. Véron avait fait expressément délibérer le Conseil municipal de Couzon au Mont d’Or jeudi 12 décembre 2019 sur « les conditions financières de mise à disposition des salles municipales pour faciliter l’expression des différentes listes » ; le Conseil a ainsi prévu « la mise à disposition, concernant les périodes de précampagne et campagne électorale officielle, des salles 0 et 5 de la Maison SERVAN et la salle des fêtes (...) à titre gratuit ». Les élus minoritaires avaient contesté l'intérêt de limiter le nombre de salles aux candidats.

Or, c'est le Maire candidat qui finalement  a utilisé une autre salle pour une réunion de campagne ! Pour se défendre, le maire explique (sans rire) que la salle Chiello utilisée pendant la campagne est la même que la salle des fêtes au motif que la toiture du bâtiment est la même ! Au final, le Maire n'a pas respecté ses propres délibérations, mais le tribunal juge que "cela n'a pas porté atteinte à l'égalité entre les candidats ni altéré la sincérité du scrutin"


- Une prolifération d'information de la mairie dans les quartiers quelques jours avant les élections.

Rappel des faits : une communication intitulée « note d'information » sur les travaux à venir dans les différents quartiers, signée des 3, 5 et 9 mars a été réalisée par le Maire, également candidat à sa réélection. Nous estimions qu'il s'agissait d'une aide de la Mairie contraire à l'article L. 52-8 du code électoral.

Si les juges ne sanctionnent pas sa violation, ils constatent que les communications dans les quartiers 15 jours avant le scrutin n’étaient pas habituelles - ce dont plusieurs anciens adjoints ont témoigné. 


- L. 49 du code électoral : football et politique :

rappel des faits :  le samedi 14 mars 28 mars à 17 h 32, veille du scrutin, le président du Groupe Olympique Sportif Couzonnais envoie un mail à un grand nombre de destinataires (près de  200) « je tenais à partager avec vous,(...) la confirmation que nous avons eu de la part de Patrick Veron (...), s'il est élu demain, le projet du terrain synthétique (...). En cas d'élection demain Patrick Veron souhaite une livraison de ce nouveau terrain au plus  tard au printemps 2021".

La diffusion de ce message ayant le caractère de propagande électorale par une association est bien relevée par le tribunal ("Un tel message, bien qu’il n’émane pas directement de l’un des candidats de la liste « Ensemble Couzon », constitue un message ayant le caractère de propagande électorale au sens des dispositions de l’article L. 49 du code électoral." , mais non sanctionnée car le club de football relayait une promesse du maire qui n'était pas nouvelle (et dont on peut encore soulever la pertinence au regard de son coût et du contexte de santé publique)... 

*

L’argent ne fait pas le bonheur.

Les défenseurs demandaient à ce que les requérants soient condamnés à rembourser les frais d’instance engagés par Monsieur VERON, sur le fondement des dispositions de l’article L.761-1 du Code de justice administrative, pour un montant de 5000 euros.
Couleur Couzon avait choisi de ne pas se faire assister par un avocat car faire respecter le droit électoral ne devrait pas dépendre des facultés financières des candidats.
Il faut retenir que pour ce type de contentieux, les avocats demandent habituellement 2 000 € environ.
Le montant exorbitant de frais engagés par P. Véron est donc très surprenant.

Le défenseur P. Véron a été débouté de sa demande.


Conclusion

Ce jugement permet donc d’illustrer les méthodes archaïques des élus sortants et le peu de considération qu’ils ont à respecter les règles et l’éthique lorsqu’il s’agit pour eux d’être réélus.


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